Parc de Lauca – Jour 2

Nuit entrecoupée. Je me réveille vers 2h30 pour une envie naturelle et malgrè mes vêtements et mon duvet j’ai pas chaud. Je regarde le thermomètre de ma montre qui indique 0 degré. Je sors. Le ciel est constellé d’étoiles, la voie lactée barre le ciel d’un bout à l’autre, incroyable, c’est magnifique. Je cherche la croix du sud mais mes yeux ne sont pas en face de mes orbites, trop froid. Je rentre et renfile une couche de polaire. Je mettrai longtemps à me rendormir. Vers 7h00 re-belotte. Le soleil pointe le bout de son nez au dessus de l’horizon, il va nous réchauffer, mais pour l’instant ca caille encore. Le lac est encore endormi. Je retourne dans mon duvet jusqu’à 8h30. Puis je me décide à me lever. C’est calme, pas un bruit à part quelques canards qui pédalent sur le lac. Le volcan Parinacota pointe fièrement son cône enneigé vers le ciel bleu azur. Je suis bien, les rayons du soleil me réchauffent. Je prends le temps de me réveiller. Ici le temps s’expand, se dilate, il passe lentement. Je suis libre de tout horaire ou agenda, en apesanteur au dessus du monde des hommes, dégagé de toute contrainte. Je profite de ma nouvelle liberté, je vis au rythme primaire de la nature. Seul le soleil dicte son rythme. Que c’est calme, paisible… c’est si rare, être seul et pouvoir en profiter. Ici la nature est simple: naitre, survivre et mourir. Rien d’autre. La simplicité dans toute sa splendeur. Le lac est plein de vie – canards, oies, flamands, oiseaux… – mais aussi ses rives sont jonchées de cadavres ou de squelettes blanchis par le temps, rappel s’il le faut que nous ne sommes que de passage. Ici pas de triche, on ne camoufle rien, la mort répond à la vie, visible, rappel du cycle de la vie. Les oiseaux gazouillent, ils semblent heureux, comme un message envoyé: Profitez de la vie et de ce qu’elle vous procure, satisfaissez vous de ce que vous avez sans vouloir sans cesse ce que vous n’avez pas, profitez ici et maintenant, vous ne savez pas de quoi demain sera fait. Profitez des choses simples, l’amour d’un enfant, d’un être cher, de l’amitié réconfortante d’un ami, de votre famille, et restez ouvert à toute nouvelle rencontre, promesse de plus de chaleur encore…

Petit déjeuner. Je prends mon temps, je flane le long de la berge. Puis je range ma tente, refais mon sac. Un dernier regard et je prends la direction du refuge au bord de la nationale. Au refuge je refais ma provision d’eau au bofedale et continu en direction de la montagne. Aujourd’hui la montagne m’appelle, me lance ses sirènes et ses chants enchanteurs… et que peut un solitaire contre une meute de sirènes… Je me laisse faire. Je cache mon gros sac dans des rochers et prend seulement mon petit sac avec de l’eau, de la nourriture, mon petit appareil photo et mes deux batons de marche et attaque la montée. Objectif: dépasser la limite symbolique des 5000 mètres. Je longe le bofedale, le traverse et monte sur sa rive gauche. La montée est lente mais régulière dans des rochers et du sable. Je suis bien acclimaté, mais l’altitude se fait quand même sentir. Je passe des cols, des antécimes qui n’en sont en fait pas, toujours un autre sommet qui se présente qui n’en est en fait pas un. Un enchevêtrement de poupées russes qui dissimulent les vrais sommets. Mais ou sont t-ils donc? L’altimètre passe les paliers un par un, 4700, 4800, 4810… Ca y est je suis à l’altitude du Mont-Blanc. Je marche depuis trois heures quand enfin il me semble en tenir un, de sommet. Je suis à 4900, le sommet semble à plus de 5000 m. Celui-là fera l’affaire. Sur la carte il n’a pas de nom, ce sera donc le sommet sans nom. Je traverse dans des éboulis pour atteindre la base de la pente qui mène à l’arête sommitale. Le soufle est court, je fait des pauses. J’attaque la montée finale, raide, dans des éboulis rocheux en limite d’équilibre. Attention de ne pas faire tout partir. J’abandonne mon sac sur un gros rocher, bien en évidence, et ne garde que mes batons et mon appareil photo. On ne risque pas de me le piquer ici 🙂 Je continu, la pente raide harrasse mes dernières forces. Un pas en avant, un de plus, deux en arrière dans ces éboulis de… On recommence, patience est mère de vertu. « Là où il y a une volonté, il y a un chemin » disait Edward Whymper, alpiniste du début du siècle dernier. La mienne est encore intacte, le chemin est là. Enfin j’atteinds l’arête sommitale, plus étroite que je ne pensais, aérienne. Je laisse un de mes batons pour marquer la descente. Je continu et atteinds enfin le sommet. J’ajoute un caillou au cairn sommitale, tradition montagnarde. Je regarde mon altimètre, il indique 5100 mètres. Mission accomplie, les sirènes s’en repartent, me laissant seul avec un panorama à couper le soufle. Loin, en bas, s’étale le lac Chungara, miroitant au soleil. On se rend mieux compte de ses dimensions. Le volcan Parinacota me domine toujours du haut de ses plus de 6300 mètres. Pas un bruit, pas un signe de vie animale, rien… Seul le vent vient faire sa musique à mes oreilles. Le bleu du ciel commence à tirer sur le noir. Je ne traine pas au sommet, et attaque rapidement la descente. Je me sens vraiment seul au monde, la solitude pèse de tout son poids. La descente dans les éboulis s’apparente plus à une descente de névé, je perds rapidement de l’altitude. Je récupère mon sac au passage et continu ma fuite en avant en direction du refuge tout en bas. Je ne prends pas la peine de m’arrêter pour me reposer, et cours presque… vers quoi, je ne sais? Je me tords la cheville dans un trou, pas le temps d’y penser il faut continuer. Je retrouve bientôt le bofedale, porte de retour sur le lac. Je reprends mon gros sac-à-dos et là avec mes 20 kg sur le dos continu pour rejoindre le refuge. Et là déception, personne… Pas âme qui vive, rien. Je me pose et attends. J’en profite pour me restaurer et me faire chauffer une casserole de thé. Un oiseau magnifique avec le corps jaune/orange et la tête et les ailes noires vient se poser près de moi. Je lui donne des miettes de pain, il piaille. Je me surprends à lui répondre à haute voix… Je bouquine un peu, présence littéraire.

Au bout d’une heure, toujours personne, je reprends mes sacs et me redirige vers mon lieu de campement de la nuit dernière. Je remonte ma tente et me refais du thé. Contrairement à la montagne, ici la vie est partout. Je retrouve mes amis les canards, oies et divers autres volatiles. Une viscache, curieuse, vient même me voir. Ca piaille, se chamaille, bat des ailes sur l’eau. C’est vivant, je ne me sens plus seul. Je fais un tour de mon royaume d’un jour, les mouettes me saluent, les canards donnent leur spectacle, l’envolée sauvage et en toile de fond le volcan Parinacota, tout dégagé, dévoile ses trésors de beauté. Bientôt le ciel vient essayer ses pinceaux et ses couleurs vives sur le lac, le coucher de soleil est somptueux. Le froid retombe, le solitaire renfile ses couches de polaires. Demain est une promesse encore lointaine…

Une réflexion au sujet de « Parc de Lauca – Jour 2 »

  1. Félicitations pour cette ascension ! Tu as fait le plein d’émotions, ajouté ta pierre à l’édifice du cairn… Une bonne soupe chaude en rentrant au village, voire un séjour aux termes de Jurassi, et tu seras requinqué.
    N’oublie pas de prendre soin de ta cheville, il te reste du pays à découvrir !

    Bonne continuation, et continue de nous faire voyager.

    A bientôt,
    Olivia

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